Catherine Keita, infirmière, «championne» du projet de lutte contre les mutilations génitales féminines. Photo DR
Madame Keita, pourquoi la lutte contre l’excision est-elle si importante pour vous?
En tant qu'agent de santé et en tant que femme, je suis bien consciente des effets néfastes des mutilations génitales féminines. Il est donc essentiel pour moi de contribuer à l’élimination de cette pratique.
Quels sont ces effets négatifs ?
L’excision est une cause importante de mortalité infantile et maternelle. Elle peut provoquer des fistules vaginales et compliquer les accouchements, car les organes génitaux externes de la fillette ou de la femme sont partiellement ou totalement enlevés. L’excision de type 3, ou infibulation, entraîne également des difficultés lors des rapports sexuels.
Dans votre pratique quotidienne, vous êtes confrontée à des femmes excisées qui en souffrent. Pouvez-vous partager quelques-unes de ces expériences ?
Le cas le plus marquant pour moi a été la mort d’une fillette de six mois. Elle a été amenée en urgence à notre centre de santé après avoir été excisée, mais elle n’a pas survécu à une hémorragie massive. Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé.
Auriez-vous d'autres exemples à nous donner ?
Je me souviens particulièrement d’une jeune fille de 16 ans, qui, après son accouchement, a souffert d’une hémorragie importante. Son accouchement a été extrêmement difficile à cause de l’excision de type 3, qui avait fermé sa vulve. Pour sauver la mère et l’enfant, il a fallu pratiquer une déchirure. Ce genre de complication n’est qu’une des nombreuses conséquences de l’excision. D’autres effets, bien que non mortels, restent tout aussi graves. Par exemple, une connaissance excisée se plaint de douleurs persistantes lors des rapports sexuels, ce qui a engendré des tensions dans son couple.
Selon vous, que faut-il changer ?
C’est la mentalité de la société qu’il faut transformer. De nombreux préjugés entourent l’excision. Bien que les dangers soient connus, beaucoup pensent encore qu’elle est nécessaire, voire prescrite par la religion. À Baraouilli, plus de 80 % de la population estiment qu’une femme non excisée n’est ni pure ni autorisée à pratiquer sa foi. De plus, certains hommes croient que les relations sexuelles avec une femme non excisée peuvent conduire à l’impuissance ou à la stérilité.
Comment contribuez-vous à ce changement ?
Mon rôle consiste à sensibiliser la communauté aux conséquences des mutilations génitales féminines, en apportant des arguments médicaux et religieux pour contrer cette pratique. Lors des consultations prénatales et postnatales, je discute régulièrement avec les femmes et les jeunes filles de l’importance d’abandonner l’excision.
Pouvez-vous citer des situations concrètes où vous avez pu influer sur les mentalités ?
Je crois avoir contribué à changer les mentalités des femmes que nous suivons à l’hôpital et lors de réunions avec des mentors féminins. Beaucoup ont exprimé leur compréhension et leur volonté de renoncer à l’excision. Certaines partagent même leurs souffrances et souhaitent épargner cela à leurs filles.
En 2023, grâce au projet mené avec IAMANEH Suisse et le RIPOD, nous avons pu mobiliser un pasteur pour informer les jeunes de l’église sur les méfaits de l’excision. Certains ont même pris l’engagement de ne pas exciser leurs futures filles.
Dans ce projet, vous portez le titre de « championne ». Que signifie ce titre ?
Il reflète mon engagement courageux pour l'abolition des mutilations génitales féminines. Ce projet me permet de promouvoir la santé physique et mentale des filles et des femmes. Grâce à un argumentaire religieux développé dans le cadre du projet RIPOD, je peux démontrer que l’excision n’est pas une obligation religieuse, et ainsi m’investir pleinement dans la lutte contre cette pratique.
Dans le cadre d’un projet commun avec IAMANEH Suisse, RIPOD œuvre pour la promotion des droits des femmes au Mali. Un réseau de leaders religieux s’engage pour provoquer des changements sociaux en démontrant que la religion ne justifie en aucun cas la violence contre les femmes. Pour en savoir plus sur ce projet : Stop à l’excision : Promouvoir les droits des femmes dans toutes les communautés religieuses.
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